LE JARDINIER SATINÉ
En Australie, à la saison des amours,
du matériel bleu disparait dans les maisons.
Des bouchons de bouteilles, des pinces à linge, rien de lourd,
des feutres, des bijoux, des pailles ou des médaillons.
Cet étrange phénomène se reproduit chaque année.
Les habitants s’y préparent et cachent leurs objets fétiches.
Le vilain voleur a déjà été démasqué :
un petit oiseau aux yeux indigo qui se niche.
Il s’appelle « le jardinier satiné ».
Un grand charmeur au plumage noir brillant.
Il a mis au point une tactique pour draguer
en construisant un berceau des plus charmants.
À l’entrée de celui-ci, il dispose des garnitures bleues.
Des fruits, des fleurs, des plumes et le butin subtilisé.
Un véritable enjeu ! Avec le bec, il peint même l’allée.
Ses talents d’artiste créent un surprenant tableau gracieux.
Ainsi, une petite femelle intriguée passant par là,
attirée et séduite par l’œuvre du virtuose
qui parade et lui interprète un chant a capella,
entre dans la cour de la jolie maison et s’expose.
Elle y découvre le mâle qui au soleil se révèle.
En hochant la queue, gracile, il preste une petite danse,
saisit une offrande dans son bec et entrouvre les ailes.
La dame éblouie s’adresse à lui avec révérence.
Tous les deux amoureux se blottissent l’un contre l’autre.
Ils ne se quittent plus des yeux parce qu’ils s’aiment.
Dans la douceur de leur foyer, gentiment, ils se vautrent
et avec délice fredonnent de langoureux poèmes.