LA GUITARE PLEURE
Le chef d’orchestre fait danser sa baguette du bout des doigts.
Les instruments reprennent pour la dixième fois le même morceau.
Ils se retournent tous avec de gros yeux vers le rabat-joie.
À chaque tentative, la guitare plonge dans de gros sanglots.
Elle n’a pas la force de jouer la symphonie, son cœur saigne.
Tout au plus un requiem mais ses cordes gémissent de douleur.
Elle a perdu sa mère la contrebasse, les lumières s’éteignent.
Et le sentiment de solitude qui l’envahit lui fait peur.
Oh, Dame contrebasse avait bien perdu la tête
et depuis longtemps déjà l’archet ne l’accompagnait plus.
La guitare savait que c’était la fin de l’interprète.
Condamnée ou non, elle l’avait toujours connue.
Rien ne l’avait préparée à la perte d’un être cher
et elle pense à tous ces instants de bonheur, des jours précieux.
Aux tempêtes également, aux moments de souffrance, de galère.
Les fois où elle l’avait détestée où elle prenait feu.
Ce n’était qu’un instrument et la vie n’est pas éternelle.
Mais, elle aimait imaginer que sa mère serait toujours là.
La contrebasse lui avait donné le jour à Bruxelles,
et appris les secrets de la musique qu’elle vénéra.
Aujourd’hui, tout paraît gris, sa caisse est vide et son corps froid.
Le soleil s’éloigne, ne subsiste plus que le chagrin.
Ses cordes crient et son manche tremble fissurant le bois.
Elle n’aspire plus qu’à dormir, après-midi et matin.
Le temps guérit les blessures et le soleil refait surface.
Mais les instruments sont fragiles et les coups de vent les bousculent.
Heureusement que ses congénères la soutiennent pour faire face.
L’amour est le meilleur des remèdes quand l’existence bascule.